La protection d’une charte graphique et d’un logo par la propriété intellectuelle
En communication, la charte graphique et le logo sont vecteurs de valeur puisqu’ils permettent de créer l’identité d’une entreprise et de la distinguer visuellement des autres concurrents. Ils permettent ainsi d’assurer une certaine familiarisation des clients et des consommateurs à cette identité et ainsi de les fidéliser.
Que vous soyez une agence de communication ou une entreprise ayant recours aux services d’une telle agence, quels sont les moyens juridiques à votre disposition pour protéger votre charte graphique et votre logo ?
1. Protection de la charte graphique
1.1. Par le droit d’auteur (propriété littéraire et artistique)
Pour qu’une charte graphique soit protégée par le droit d’auteur, il doit s’agir d’une création intellectuelle originale (article L112-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle).
On considère qu’une œuvre est originale dès lors qu’elle porte l’empreinte de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. En ce sens, la Cour d’appel de Versailles (Cour d'appel, Versailles, 1re chambre, 1re section, 26 Janvier 2017 – n° 15/01073) a énoncé les critères suivants d’originalité dans le cadre d’une charte graphique, reposant sur une combinaison d’éléments :
- Des caractéristiques suffisamment précises établissant la spécificité de la charte graphique
- L’objectif recherché par la charte graphique ne doit pas être usuel
- Si la superposition et le détail des mots, des couleurs, des fonds et de police procèdent d’une tendance en vogue, l’originalité n’est pas démontrée.
La protection par le droit d’auteur vaut pour une durée de 70 ans à compter du décès de l’auteur.
1.2. Par le droit des marques pour certains composants de la charte (propriété industrielle)
Pour pouvoir être enregistrée, une marque doit être associée à des produits et services déterminés et répondre à quatre critères cumulatifs (article L711-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle) :
- La distinctivité (une marque ne doit pas être descriptive – à titre d’exemple, la Cour d’appel de Versailles a pu constater, dans un litige impliquant les marques Canal + et Canal Internet que, visuellement, les deux signes avaient en commun le terme « Canal » en « position d’attaque » qui avait un caractère dominant et que le terme « internet » désignait une caractéristique des services. Elle en a conclu que « ce terme étant dénué de distinctivité, le signe Canal Internet ne formait pas un tout indivisible » (CA Versailles, 12è ch., 9 oct. 2018, Groupe Canal + et INPI c./ Mme X. et M. Y.)
- La disponibilité (un signe identique ou similaire ne doit pas avoir été déposé antérieurement)
- La licéité (une marque ne doit pas porter atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs)
- L’absence de caractère trompeur (une marque ne doit pas induire en erreur sur l’origine des produits ou services).
Dans le cadre de la protection d’une charte graphique, on peut s’intéresser plus particulièrement à la marque de couleurs. Il s’agit d’une couleur créée pour composer une charte graphique. Selon l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI), la marque de couleur consiste en la représentation exclusive d’une couleur sans contour ou d’une combinaison de couleurs ou d’une nuance de couleur. Ainsi, la société Décathlon a pu déposer la marque de couleur bleue « pantone process blue quadri cyan 100% (Décathlon) ». La couleur lilas de la marque Milka ou de la combinaison de couleurs d'Ikéa ont également fait l'objet d’un dépôt de marque communautaire.
2. Protection du logo
2.1. Par le droit d’auteur (propriété littéraire et artistique)
D’après la Cour d’appel de Paris (Cour d'appel, Paris, Pôle 5, chambre 2, 11 octobre 2013 – n° 12/14103), le logo protégeable par le droit d’auteur doit être constitué d’une combinaison d’éléments révélant un choix arbitraire de l’auteur comme suit :
- L’agencement des éléments doit comporter un élément de fantaisie
- L’esprit créateur se démontre dans la recherche d’une combinaison d’éléments de forme, de choix personnels qui singularisent le logo.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris (Tribunal de grande instance, Paris, 3e chambre, 4e section, 14 Janvier 2016 – n° 14/07872) a admis la protection de logos au titre du droit d’auteur car :
« Les éléments constitués des styles et polices différents dans lesquels ces signes sont représentés, leur disposition les uns par rapport aux autres, et la présence […] des autres éléments […], constituent une combinaison révélant un choix arbitraire et l'empreinte de la personnalité de l'auteur ».
2.2. Par le droit des marques (propriété industrielle)
Le logo peut être protégé par le droit des marques en tant que marque figurative.
La marque figurative emploie des caractères, une stylisation, une mise en page, une caractéristique graphique ou une couleur. A titre d’exemple, l’on peut faire référence aux chevrons de la société Citroën.
Une fois enregistré, le dépôt de marque auprès de l’INPI assure la protection de celle-ci contre tout acte de contrefaçon ou de parasitisme par des sociétés concurrentes et ce pour une durée de 10 ans à compter de la demande de dépôt de marque (renouvelable indéfiniment).
3. Cession des droits
S’il est intéressant de déposer un logo ou une charte graphique en tant que titre de propriété industrielle, il convient aussi d’envisager leur valorisation. En effet, le dépôt assurant une titularité des droits, ceux-ci peuvent être cédés moyennant une contrepartie financière prévue au contrat. De même, le droit d’auteur protégeant un logo ou charte graphique peut être cédé notamment dans le cadre d’un contrat de commande. Ainsi, la cession de droits peut prendre différentes formes :
- Les droits sont cédés par le déposant ou l’auteur à un tiers dans leur totalité (contrat de cession de marques ou de droit d’auteur, clause de cession dans le contrat de commande) ou
- Seuls les droits d’exploitation sont cédés à un tiers de façon exclusive ou non (licence de marque)
Il est à noter que les contrats portant sur le droit d’auteur ne pourront porter que sur la cession des droits patrimoniaux (droits économiques) et non sur les droits moraux de l’auteur qui sont incessibles (par exemple : le droit de paternité).
Enfin, les contrats portant sur les marques devront être inscrits dans les dépôts de marques auprès de l’INPI pour être opposables aux tiers.
Par Me Katia Beider et Caroline Demangeon, Avocates au sein du cabinet ORIANA LABRUYERE&CO, partenaire du cabinet MITIRISK&CO
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