Le Nom de Domaine

Tout ce qu’il faut savoir pour le choisir et le protéger

Le nom de domaine est le passage obligé d’une identification des sites sur les réseaux. Il devient ainsi la première étape de la création d’un site web.

Entre risque de confusion, conflit d’intérêt ou encore mauvaise foi, le nom de domaine fait souvent l’objet de litiges entre entreprises de même activité ou d’activité similaire.

En effet, le choix du nom de domaine est soumis à la simple règle du « Premier arrivé, premier servi ». Une règle simple qui peut entraîner de grande complication car le nom de domaine représente un enjeu stratégique majeur pour une entreprise ou toute organisation. En d’autres termes, lorsqu’une personne possède un nom de domaine, il n’est pas possible qu’une autre personne puisse acheter le même, en revanche, il est possible de souscrire à un nom proche ou avec une extension différente (.fr, .com, .org…).

Nous allons donc définir les contours du nom de domaine (I) avant d’expliquer comment assurer sa protection (II).

I/ Les contours du nom de domaine

Pour comprendre le régime juridique du nom de domaine, nous rappellerons la fonction pratique de celui-ci (A), la nature du droit conféré au titulaire d’un nom de domaine (B) avant d’aborder les conditions son attribution et de son renouvellement (C).

 

A.      La fonction pratique du nom de domaine : l’adresse

Le nom de domaine a pour fonction d’identifier un « lieu » sur le réseau, c'est‐à‐dire, d’identifier une machine à laquelle un site, une prestation peuvent être rattachés.

La création d’un site internet implique la possession d’un nom de domaine, que le site ait une vocation commerciale ou non. Ce nom de domaine sera l’appellation permettant d’identifier le site internet, il constitue le moyen technique de localisation et d’accès aux pages de celui-ci. Cette appellation est nécessairement verbale et prend la forme d’une adresse internet sous le format www.nomdedomainechoisi.fr (ou .com, .org, .net, .ue, etc.).

Ainsi, « le nom de domaine sert dès lors de signe de ralliement de la clientèle vers le site qu'il identifie en même temps qu'il constitue un outil publicitaire »[1] .

Le nom de domaine est de plus en plus utilisé et perçu comme un identifiant à part entière, appartenant à la famille des signes distinctifs.

Attention toutefois, le nom de domaine ne doit pas être confondu avec la marque, la dénomination sociale ou le nom commercial. Bien qu’il possède une valeur commerciale importante, la simple possession du nom de domaine ne permet pas d’identifier une société ou le fonds de commerce rattaché comme une dénomination sociale ou un nom commercial. Il ne permet pas non plus d’engager certaines actions telles qu’une action en contrefaçon, qui est seulement possible grâce à la possession d’un titre de propriété industrielle (exemple : dépôt et enregistrement d’une marque).

La marque peut devenir nom de domaine. Le nom de domaine peut devenir marque (après dépôt), mais le nom de domaine, en tant que tel, n'est pas une marque, une dénomination sociale ou un nom commercial.

D’un du point de vue pratique cependant, il est fortement recommandé à ceux qui entendent se réserver un nom de domaine de prendre une marque sur la désignation choisie.

En effet, par l'enregistrement d'une marque, le demandeur bénéficiera, outre de la règle d'occupation que constitue le « Premier arrivé, premier servi », de tout le dispositif juridique qui assure la protection de cet identifiant particulier qu'est la marque et, plus spécialement, de la possibilité d'agir en contrefaçon.

Il convient toutefois de préciser qu’à l’inverse, un nom de domaine réservé peut être considéré comme constitutif d'une antériorité opposable à une marque.

B.      Nature juridique du droit sur le nom de domaine

Le texte légal, à savoir l'article L.45‐1 du Code des postes et des communications électroniques (CPCE) dispose que « les noms de domaine sont attribués pour une durée limitée et renouvelable ».

Par exemple, pour les noms de domaine en extension « .fr », la charte de l’Afnic en son article 2.8 énonce que « le nom de domaine a une durée de validité de 1 (un) an à compter de son enregistrement. Dès la communication par l’Afnic des nouvelles règles d’enregistrement multi-années, sa durée de validité pourra être portée jusqu’à 10 (dix) ans ».

Dans cette ligne, l'article 2.8 indique que « le nom de domaine a une durée de validité d’un (1) an à compter de son enregistrement ».

L’article 6.8 de cette même charte prévoit que, dans le cas où un nom de domaine est supprimé, il « retombe dans le domaine public » et, en conséquence, « peut être enregistré par un nouveau demandeur ».

 

C.      Les conditions légales d’attribution et de renouvellement du nom de domaine

Conformément à l’article L.45-2 du CPCE, l'enregistrement ou le renouvellement d’un nom de domaine peut être refusé ou supprimé lorsque qu’il est :

« 1° Susceptible de porter atteinte à l'ordre public ou aux bonnes mœurs ou à des droits garantis par la Constitution ou par la loi ;

2° Susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le demandeur justifie d'un intérêt légitime et agit de bonne foi ;

3° Identique ou apparenté à celui de la République française, d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales ou d'une institution ou service public national ou local, sauf si le demandeur justifie d'un intérêt légitime et agit de bonne foi. »

Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 45-7 et les règles d'attribution de chaque registre définissent les éléments permettant d'établir un usage de mauvaise foi et l'absence d'intérêt légitime.

Ainsi, l’article R.20-44-43 du CPCE dispose que le titulaire dispose d’un intérêt légitime lorsque :

1.       Il utilise le nom de domaine dans le cadre d’une offre de biens ou de services ou démontre qu’il s’y est préparé (business plan, achat divers, plan du site web, étude de marchés, etc.)

2.       Il est connu sous un nom identique ou apparenté même en l’absence de droits

3.       Il fait un usage non commercial du nom de domaine :

-      Sans intention de tromper le consommateur ; ou

-      Sans nuire à la réputation du nom sur lequel est reconnu ou établi un droit.

Pour ce qui est de la mauvaise foi, le même article dispose que « peut notamment caractériser la mauvaise foi le fait, pour le demandeur ou le titulaire d’un nom de domaine :

1.       D’avoir obtenu ou demandé l’enregistrement de ce nom principalement en vue de le vendre, de le louer, ou de le transférer de quelque manière que ce soit à un organisme public, à une collectivité locale ou au titulaire d’un nom identique ou apparenté sur lequel un droit est reconnu ou non pour l’exploiter effectivement

2.       D’avoir obtenu ou demandé l’enregistrement d’un nom de domaine principalement dans le but de nuire à la réputation du titulaire d’un intérêt légitime ou d’un droit reconnu sur ce nom ou un sur un nom apparenté ou à celle d’un produit ou service assimilé à ce nom dans l’esprit du consommateur

3.       D’avoir obtenu ou demandé l’enregistrement d’un nom de domaine principalement dans le but de profiter de la renommée du titulaire d’un intérêt légitime ou d’un droit reconnu sur ce nom ou sur un nom apparenté, ou de celle d’un produit ou service assimilé à ce nom, en créant une confusion dans l’esprit du consommateur

Enfin, il est précisé que, d’un point de vue procédural, le refus d'enregistrement ou de renouvellement ou la suppression du nom de domaine ne peuvent intervenir, pour l'un des motifs prévus à l’article L.45-2 du CPCE, qu'après que le registre ait mis le demandeur en mesure de présenter ses observations et, le cas échéant, de régulariser sa situation.

En sus de ces règles, des critères d’éligibilité tendent à s’appliquer. Ainsi, suivant l’article 5.1 de la charte de nommage de l’Afnic, « peuvent demander l'enregistrement ou le renouvellement d'un nom de domaine, dans chacun des domaines de premier niveau, toutes personnes physiques résidant et toutes personnes morales ayant leur siège ou établissement principal :

-      sur le territoire de l’un des états membres de l’union européenne ;

-      sur le territoire des pays suivants : Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse. »

Ainsi, suivant l’extension choisie (« .fr », « .ue »), vous devez vous référer à la charte de nommage du registre compétent.

 

II/ La protection du nom de domaine

La protection du domaine implique au préalable d’identifier les acteurs d’enregistrement (A), puis de suivre la procédure applicable (B). En cas de litige, plusieurs voies s’offrent à vous (C).

A.      Identification des acteurs d’enregistrement et de renouvellement

 

-      ICANN : le chef d’orchestre mondial

L’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) est une société à but non lucratif, dont la mission principale consiste à réguler les noms de domaines utilisés de premier niveau (tdl) sur internet, à l’échelle mondiale.

Fondée en 1998, l'ICANN gère principalement l'affectation des noms de domaine de premier niveau, comme pour les noms de domaine « .com ». Celle-ci délègue ensuite aux registres l’administration et la gestion de certaines extensions comme le « .fr » qui a été attribué à l’Afnic.

-      Registres : les orchestres

Les registres ont ainsi pour rôle : « la maintenance de la base de données nécessaires à l'identification des personnes morales ou physiques qui sont titulaires d'un nom de domaine […], les services de recherches publics, l'accréditation des bureaux d'enregistrements, qui vont gérer la partie "commerciale", et l'enregistrement des noms de domaines dans l'extension dont ils ont la charge[2] ».

-      Bureaux d’enregistrement (Registrar) : la billetterie

Des revendeurs de noms de domaine accrédités auprès de ces registres ou de l’ICANN vont ensuite revendre les noms de domaines aux clients finaux.

Ces bureaux d’enregistrement sont les partenaires des registres. Mais ils peuvent aussi être directement agréés par l’ICANN

Ces bureaux d’enregistrement sont américains (les plus nombreux) mais aussi français (Gandi, etc.) allemands, chinois, etc.

Ces bureaux d’enregistrement participent à un seul et même système partagé d'enregistrement (Shared Registration System) et sont soumis en principe aux mêmes règles d'enregistrement.

B.      La procédure d’enregistrement et de renouvellement du nom de domaine

Plusieurs étapes sont à suivre pour enregistrer votre nom de domaine :

1.       Choisir l’extension : ce choix s’apprécie en fonction de votre zone géographique (par exemple « .fr » pour la France), ou suivant votre modèle le business par exemple avec le choix des gTLD générique « .com ». En fonction de l’extension choisie, vous pouvez identifier le registre et les bureaux d’enregistrement compétents

 

2.       Choisir l’identifiant (c’est-à-dire le terme utilisé avant l’extension : le principe est celui de la liberté de choix).

Certains noms sont toutefois expressément présentés comme « réservés » (réservés au gouvernement français (extension «.gouv.fr ») ou au registre (web, office‐d‐enregistrement)) - il convient également de respecter les droits antérieurs des tiers (marque, dénomination sociale, nom commercial)

L’identifiant doit formellement être composé de chiffres ou lettres et du symbole « ‐ » (tiret) comme séparateur, à l'exception de tout autre, il ne doit pas être constitué uniquement de chiffres, et sa taille est limitée.

Le CPCE (article L. 45-1) et la charte de l’Afnic (article 3.3) rappelle d’ailleurs que l'enregistrement se fait sous la responsabilité du demandeur et que l’Afnic ne saurait être responsable de celui‐ci.

Ainsi, le choix du nom de domaine représente un véritable enjeu, en ce que son enregistrement peut engager la responsabilité de son titulaire en cas d’atteinte notamment aux droits des tiers.

3.       Suivre la procédure du bureau d’enregistrement choisi en renseignant le titulaire de l’enregistrement et le contact administratif, en respectant les règles techniques du nommage et après avoir effectué une recherche d’antériorité

 

C.      La protection du nom de domaine dans le temps et en cas de litige

 

Le titulaire d’un nom de domaine doit être vigilant et ne pas manquer la date de renouvellement de celui-ci : une fois tombé dans le domaine public le nom de domaine peut être récupéré par une tierce personne.

 

Si vous être titulaire d’une marque et que vous avez enregistré un nom de domaine, vous pouvez également avoir recours à des services de surveillance proposés par certains bureaux d’enregistrement qui vous permettent d’être alerté si de nouvelles extensions sont disponibles ou si un nom de domaine est enregistré avec votre marque.

 

En effet, la règle « Premier arrivé, premier servi » a engrangé une pratique courante d’enregistrements frauduleux appelée cybersquattage : le nom de domaine est enregistré et a vocation à être cédé, moyennant contrepartie financière à celui dont l’intérêt est d’en disposer.

 

Dans ce cas, plusieurs voies sont ouvertes.

 

La voie amiable qui consiste à demander le transfert du nom de domaine directement auprès du titulaire de l’enregistrement. Si le titulaire est une personne physique, vous devrez passer par le formulaire du bureau d’enregistrement où est enregistré le nom de domaine ou faire une demande de divulgation de l’identité du titulaire auprès du bureau d’enregistrement.

 

En cas d’échec de cette demande, vous pouvez opter pour un mode de résolution des litiges, judiciaire ou extrajudiciaire.

Ainsi, celui qui s'estime victime d'un enregistrement indu de nom de domaine peut choisir de saisir une juridiction comme il le ferait pour tout autre contentieux ou d'opter pour le mécanisme mis en place par l'ICANN à savoir la procédure UDRP (Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy) ou plus largement une procédure alternative proposée par un registre (l’Afnic propose deux modes de résolution des litiges : SYRELI et PARL EXPERT).

La protection de votre nom de domaine est donc primordiale pour protéger vos droits antérieurs, préserver vote réputation ou faire face à des actes de concurrence déloyales ou parasitaires !

 

 


[1] Loiseau G., Nom de domaine et Internet : turbulences autour d'un nouveau signe distinctif, D. 1999, chr., p. 9

[2] Tardieu‐Guigues E., Attribution et contentieux des noms de domaine, J.‐Cl. Commercial, Fasc. 805, 2017, no 10.

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